Je pourrais faire le journaleux blasé. Aujourd'hui, j'ai un article dans Libé. Un de plus. Sauf que, cette fois, je vais être payé. Fini le stagiaire trop heureux de publier quelques lignes dans son canard préféré pour que dalle, voici Lolo le pigiste qui cherche à multiplier ses sources de revenus.
Je publie ici la version initiale de mon papier, qui a été largement retouchée par mon ancien chef. Pour la version définitive du papier, faut aller sur le
site de Libé.
Les régionaux changent leur quotidien
4 mai 2006, la Grand Place de Lille est envahie par une foule de 12000 jeunes qui n'est pas sans rappeler les grandes heures de Lille 2004. David Guetta est aux platines, sur une scène géante installée devant le siège de
La Voix du Nord. Ce sont les deux quotidiens régionaux qui l'ont invité, pour fêter en grande pompe le passage à la nouvelle formule. "On a choisi le tabloïd pour répondre à une demande des lecteurs, et parce que l'on pense que c'est le format de l'avenir. De plus, cela nous évitait d'avoir à acheter de nouvelles rotatives", indique Jacques Hardouin, directeur général de
La Voix du Nord et président de
Nord-Eclair. Coût de la soirée Guetta : 70000 euros (sur un budget total de 2,5 millions d'euros pour le passage à la nouvelle formule). Bilan : les ventes au numéro lors de la première semaine ont augmenté de 7,5% pour
La Voix du Nord et de 5% pour
Nord-Eclair. Les réactions des lecteurs sont positives, même si certains se sont plaint des nouvelles pages hippiques et de la disparition des mots fléchés géants du jeudi !
Le tabloïd est né en Angleterre. Là-bas, ces journaux populaires respectent la règle des 4 S. Du sport, des stars, du sexe (comme sur la célèbre page 3 du
Sun) et du sang (des faits divers). Les quotidiens régionaux français suivent cette mode, au niveau de la taille en tout cas : " Dans l'inconscient des gens, un changement de formule passe par une réduction du format ", explique Robert Grosfilley, rédacteur-en-chef exécutif du
Midi libre. " Pour nous, la révolution s'est passée en 1997, avec le passage au format berlinois et le changement de l'outil informatique. Cela nous avait coûté 140 millions de francs. En 2005, on a lancé une nouvelle formule avec deux cahiers, mais il s'agissait plus d'évolutions pour montrer qu'on ne s'endormait pas et pour assouplir la pagination."
Les quotidiens régionaux cherchent à augmenter leurs diffusions qui sont en baisse depuis quelques années : " On veut fidéliser les acheteurs occasionnels sans désorienter les fidèles lecteurs ", avance Jean-Pierre Souchon, le rédacteur-en-chef du
Dauphiné Libéré dont la mutation s'est étalée, suivant les éditions locales, du 28 février au 3 mai. Pourquoi réduire la taille ? " Dans les transports, les gens donnaient des coups à leurs voisins ! " Le la a été donné par les gratuits. Pourtant, les quotidiens régionaux veulent se distinguer : "Une nouvelle réduction du format, ça voudrait dire qu'on passe au format des gratuits, poursuit Robert Grosfilley. Ce n'est pas souhaitable, on veut conserver des papiers de réflexion. "

Mais dans cette quête de lecteurs, le changement de formule est parfois contreproductif: "A cause de retards de livraison importants, on a perdu des abonnés dans les premiers mois, explique Bruno Pachent de
La Dépêche du Midi, qui est passé au format berlinois en octobre 2003. On est en reconquête depuis la mi-2004, surtout dans les zones urbaines." Deux modèles de changement se dégagent. Certains quotidiens régionaux profitent du changement de rotative pour réduire le format et passer à une nouvelle formule. "C'est plus délicat, explique Jean-Marc Williatte du
Progrès. Cela entraîne des perturbations dans la livraison du journal et des conflits sociaux avec le Syndicat du livre."
Le Progrès de Lyon a fait sa mue sur trois éditions en mai 2004, tandis que deux ont conservé l'ancienne formule. "On a constaté un effet curiosité pendant les dix premiers jours, et les lecteurs étaient plutôt indulgents quant aux soucis techniques. Mais ils n'ont pas compris que, six mois après, tout n'était toujours pas réglé."

D'autres quotidiens, comme
le Télégramme de Brest en 2002, ont choisi de diviser leur format par deux, ce qui n'implique pas un changement de rotative. Une réussite pour le petit journal qui résiste encore et toujours à l'omniprésent
Ouest-France, premier quotidien français avec une diffusion payée en 2005 de 760000 exemplaires contre 196000 au
Télégramme.
A l'autre bout de l'hexagone,
Nice-Matin vient de passer au format tabloïd et
La Provence prépare sa nouvelle formule pour janvier prochain. "On a choisi de passer au format berlinois car on pense que c'est plus approprié pour la PQR, précise Gilles Dauxerre, directeur de la rédaction de
La Provence. Et on pourra imprimer notre gratuit,
Marseille Plus, en format demi-berlinois." Marseille à la mode de Berlin et la Voix du Nord qui copie les Anglais, les changements de formule dans la PQR, c'est un peu l'Europe par d'autres moyens.