Quand je me prends pour un avocat
C'est un énième épisode dans le feuilleton judiciaire consécutif au vol de ma voiture et diverses affaires. Deux ans après les faits et un an après le jugement de mon voleur, je passais ce matin devant la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions au tribunal de Lille. N'ayant pas pris d'avocat, j'ai plaidé ma cause tout seul. J'en ai un peu rajouté dans le pathos et l'interprétation politique de ce fait divers, mais autant se faire plaisir étant donné que ça me semblait perdu d'avance! Voilà ce que je leur ai lu... La décision, prise le 25 juin, me sera envoyée par courrier.
Monsieur le président de la Commission
d’indemnisation des victimes d’infraction,
Je sais que je ne pars pas dans de bonnes conditions, puisque le directeur du fonds de garantie a rendu un avis défavorable à ma demande d’indemnisation. Je vais tout de même essayer de vous convaincre de la légitimité de ma requête.
Tout d’abord, un bref rappel des faits. Le 27 avril 2006, je rentrais en train de Paris. Vers 0h15, j’ai pris le métro pour regagner mon domicile. Là, un jeune homme se met à discuter avec moi, m’explique qu’il est "en galère" puisqu’il n’a plus d’endroit où dormir, ayant bloqué la porte de l’extérieur alors que ses parents étaient partis en vacances. Il me dit avoir l’intention de dormir chez une amie, sonne plusieurs fois chez elle. Personne ne me répond. Je lui propose alors de venir dormir par terre chez moi, ce qu’il accepte. Le lendemain matin, je constate à mon réveil qu’il a pris la poudre d’escampette avec ma voiture, deux appareils-photos numériques, mon portefeuille et quelques vêtements qui se trouvaient dans ma voiture. Je suis allé porté plainte immédiatement. Je vous transmets avec ces conclusions la copie du procès verbal.
Mon portefeuille a été retrouvé par un voisin au pas de sa porte, ma voiture a également été localisée la nuit suivante, abandonnée et très abimée. J’en ai eu pour 1441, 61 euros de réparations. Mon assureur a refusé de me rembourser cette somme au motif que j’avais été victime d’escroquerie ou d’abus de confiance.
Le voleur a été retrouvé par la police grâce aux empreintes digitales qu’il avait laissées sur un verre de coca que je lui avais servi avant de se coucher.
Il a été condamné par le Tribunal pour enfants de Lille le 13 mars 2007 à me verser la somme de 2633 euros à titre de dommages et intérêts. J’avais fourni tous les justificatifs à la juridiction et je vous en ai également apportés copies.
Il s’avère qu’il s’agissait d’un mineur de 16 ans multirécidiviste, qui a déjà séjourné à plusieurs reprises en prison. Je suis allé rendre visite à ses parents qui m’ont dit qu’ils n’étaient pas solvables et que je n’avais qu’à saisir un huissier, ça ne servirait à rien. Le problème, c’est que pour cela, il me faudrait encore verser 300 euros d’avance pour les frais d’huissier, et que je ne suis pas sûr de récupérer quoi que ce soit.
Devant l’impasse dans laquelle je me retrouvais, j’ai décidé de vous saisir et de réaliser un dossier complet pour vous demander une éventuelle indemnisation. Dedans, j’expliquais que l’argent que vous pourriez me donner pourrait me servir à racheter un appareil-photo, ce qui me serait utile dans ma profession de journaliste. Cela fait deux ans que j’enchaîne les CDD. Je ne peux donc pas dire que je sois dans une situation matérielle grave, même si je reste dans la précarité, n’ayant pas de CDI. Or, je sais qu’il s’agit pour votre juridiction d’une condition d’indemnisation en cas de vol simple. C’est pourquoi je n’ai pas répondu aux courriers du fonds de garantie, ne pouvant prouver que je suis dans cette situation matérielle ou psychologique grave.
Cependant, cet épisode me reste au travers de la gorge. Comme l’a souligné le procureur dans ses réquisitions, le pire dans cette histoire, c’est qu’en voulant faire preuve d’humanité, je me suis retrouvé volé, et que, la prochaine fois, je n’ouvrirais plus ma porte alors qu’il s’agira peut-être réellement d’une personne en grande détresse. Ces comportements poussent à l’individualisme. Si je conçois que des personnes mal intentionnées puissent agir comme tel à titre individuel, ce serait pour moi une grande désillusion que de constater que la justice de mon pays n’a aucun moyen pour que justice soit faite.
J’ai entendu la Garde des Sceaux, dimanche sur Canal +, évoquer, parmi ses trois priorités, la défense des victimes. Vous avez là une belle occasion de venir en aide à une victime, j’espère que vous saurez la saisir même si je ne rentre pas exactement dans les critères définis.
Quand j’étais petit, j’apprenais les fables de La Fontaine à l’école. Il y avait toujours une morale à la fin. Vous avez aujourd’hui le choix pour écrire la fin de cette histoire. La morale sera-t-elle : « N’ouvre pas la porte à ton prochain si tu ne veux pas te faire plumer. » Ou bien : « La raison du plus juste est toujours la meilleure. » A vous de voir si vous voulez que la morale soit sauve.
Monsieur le président de la Commission
d’indemnisation des victimes d’infraction,
Je sais que je ne pars pas dans de bonnes conditions, puisque le directeur du fonds de garantie a rendu un avis défavorable à ma demande d’indemnisation. Je vais tout de même essayer de vous convaincre de la légitimité de ma requête.
Tout d’abord, un bref rappel des faits. Le 27 avril 2006, je rentrais en train de Paris. Vers 0h15, j’ai pris le métro pour regagner mon domicile. Là, un jeune homme se met à discuter avec moi, m’explique qu’il est "en galère" puisqu’il n’a plus d’endroit où dormir, ayant bloqué la porte de l’extérieur alors que ses parents étaient partis en vacances. Il me dit avoir l’intention de dormir chez une amie, sonne plusieurs fois chez elle. Personne ne me répond. Je lui propose alors de venir dormir par terre chez moi, ce qu’il accepte. Le lendemain matin, je constate à mon réveil qu’il a pris la poudre d’escampette avec ma voiture, deux appareils-photos numériques, mon portefeuille et quelques vêtements qui se trouvaient dans ma voiture. Je suis allé porté plainte immédiatement. Je vous transmets avec ces conclusions la copie du procès verbal.
Mon portefeuille a été retrouvé par un voisin au pas de sa porte, ma voiture a également été localisée la nuit suivante, abandonnée et très abimée. J’en ai eu pour 1441, 61 euros de réparations. Mon assureur a refusé de me rembourser cette somme au motif que j’avais été victime d’escroquerie ou d’abus de confiance.
Le voleur a été retrouvé par la police grâce aux empreintes digitales qu’il avait laissées sur un verre de coca que je lui avais servi avant de se coucher.
Il a été condamné par le Tribunal pour enfants de Lille le 13 mars 2007 à me verser la somme de 2633 euros à titre de dommages et intérêts. J’avais fourni tous les justificatifs à la juridiction et je vous en ai également apportés copies.
Il s’avère qu’il s’agissait d’un mineur de 16 ans multirécidiviste, qui a déjà séjourné à plusieurs reprises en prison. Je suis allé rendre visite à ses parents qui m’ont dit qu’ils n’étaient pas solvables et que je n’avais qu’à saisir un huissier, ça ne servirait à rien. Le problème, c’est que pour cela, il me faudrait encore verser 300 euros d’avance pour les frais d’huissier, et que je ne suis pas sûr de récupérer quoi que ce soit.
Devant l’impasse dans laquelle je me retrouvais, j’ai décidé de vous saisir et de réaliser un dossier complet pour vous demander une éventuelle indemnisation. Dedans, j’expliquais que l’argent que vous pourriez me donner pourrait me servir à racheter un appareil-photo, ce qui me serait utile dans ma profession de journaliste. Cela fait deux ans que j’enchaîne les CDD. Je ne peux donc pas dire que je sois dans une situation matérielle grave, même si je reste dans la précarité, n’ayant pas de CDI. Or, je sais qu’il s’agit pour votre juridiction d’une condition d’indemnisation en cas de vol simple. C’est pourquoi je n’ai pas répondu aux courriers du fonds de garantie, ne pouvant prouver que je suis dans cette situation matérielle ou psychologique grave.
Cependant, cet épisode me reste au travers de la gorge. Comme l’a souligné le procureur dans ses réquisitions, le pire dans cette histoire, c’est qu’en voulant faire preuve d’humanité, je me suis retrouvé volé, et que, la prochaine fois, je n’ouvrirais plus ma porte alors qu’il s’agira peut-être réellement d’une personne en grande détresse. Ces comportements poussent à l’individualisme. Si je conçois que des personnes mal intentionnées puissent agir comme tel à titre individuel, ce serait pour moi une grande désillusion que de constater que la justice de mon pays n’a aucun moyen pour que justice soit faite.
J’ai entendu la Garde des Sceaux, dimanche sur Canal +, évoquer, parmi ses trois priorités, la défense des victimes. Vous avez là une belle occasion de venir en aide à une victime, j’espère que vous saurez la saisir même si je ne rentre pas exactement dans les critères définis.
Quand j’étais petit, j’apprenais les fables de La Fontaine à l’école. Il y avait toujours une morale à la fin. Vous avez aujourd’hui le choix pour écrire la fin de cette histoire. La morale sera-t-elle : « N’ouvre pas la porte à ton prochain si tu ne veux pas te faire plumer. » Ou bien : « La raison du plus juste est toujours la meilleure. » A vous de voir si vous voulez que la morale soit sauve.
2 Comments:
At 2:37 AM, Unknown said…
Rolala, l'allusion à La Fontaine m'arrache presque une larme ... Si tu les as pas ému je comprends rien ... ;)
At 5:30 AM, Pierre said…
du TF1 dans le texte...
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