L'envers du décor
Si Athéna était une déesse chaste à qui on ne connaît pas d'aventures, il n'en va pas de même du centre Athéna à Auray. Chaque soir de spectacle, c'est une nouvelle aventure pour le staff. Une aventure humaine, où il faut gérer au mieux les caprices de stars parfois peu raisonnables. Une aventure technique, où le régisseur général et ses bataillons d'intermittents doivent fournir du bon son et un jeu de lumières de qualité. Une aventure financière, où il faut gérer au mieux le budget largement subventionné. Tout cela en garantissant une sécurité optimale. C'est ensuite à l'artiste ou aux comédiens de jouer. Mercredi soir, les organisateurs ont levé le rideau pour faire découvrir aux spectateurs l'envers du décor.
ILS NE MANQUENT PAS DE CACHETS
Les ventes de CD sont en chute libre et vous vous inquiétez pour la survie de vos groupes préférés? Rassurez-vous! La chanson peut encore rapporter gros à condition d’enchaîner les tournées. 19.000 euros, c’est le cachet versé à William Sheller pour son récital l’année dernière. Abd Al Malik, pour son concert vendredi prochain, devra se contenter de 15.000 euros. Bien loin des 40.000 euros demandés par Ayo. Trop cher: la déesse de la soul française n’est pas près de se produire au centre Athéna.
UN AUTRE MONDE
Surprotégés par leurs managers, les artistes sont parfois légèrement déconnectés de la réalité. Pour preuve, la venue de Pierre Perret au centre Athéna. Comme il était arrivé à la dernière minute, son épouse a demandé à Katherine Teycheney d’aller leur chercher deux sandwichs et une bouteille de vin rouge. Et de tendre un billet de 500 francs, en s’inquiétant: "Vous pensez que vous aurez assez?"
CAPRICES DE STARS
Certains artistes ne reculent devant rien. Ainsi, Mauranne avait voulu six bouteilles de bordeaux d’un très grand cru, attirant la suspicion du staff du Centre Athéna: "C’est connu, Serge Reggiani a composé sa cave comme ça". La parade? Les bouteilles lui ont été apportées déjà débouchées. Ainsi, toute l'équipe de l’Athéna a pu partager ce bon vin avec Mauranne et ses musiciens après le concert. Autre anecdote: Michel Fugain voulait absolument un canapé dans sa loge et n’en démordait pas, sauf qu’elles sont trop exiguës pour y mettre un sofa.
Quant à Stefan Eicher, qui s’arrêtera à Auray le 15 février prochain, sa fiche technique précise qu’il souhaite dormir dans un endroit atypique. On envisage de le conduire sur l’île de Berder.
Ces exigences vous paraissent abusées? Et encore, ce n'est rien: "Ca s'est calmé! Il y a 25 ans, il fallait apporter le rail de coke et les filles qui vont avec!"
UN CONCERT QUI A ACCOUCHÉ DANS LA DOULEUR
Au rayon des superbes souvenirs, la venue des Ogres de Barback en 2004. Ils n’ont pu venir une première fois parce que leur chanteur avait dû rejoindre sa femme qui venait d’accoucher. Annulant à la dernière minute, les musiciens sont quand même venus expliquer la raison de leur absence au public et ont juré qu’ils reviendraient. Ils ont tenu leur promesse trois mois plus tard, avec énergie et brio.
COMBIEN ÇA COÛTE
Le centre Athéna a été construit en 1990 pour 25 millions de francs. Le staff dispose d’un budget artistique de 300000 euros par an. Il s’autofinance à 75%, c’est-à-dire que les trois quarts de cette enveloppe proviennent du prix des places, le reste étant subventionné par la municipalité. C’est beaucoup plus qu’une structure publique: pour une scène nationale, l’État demande simplement que 10% du budget artistique soit couvert par les recettes.
DANS LES LOGES D'ATHENA
Loges d’artistes, régie son et lumière, arrière-scène… Lors de cette soirée portes ouvertes, une première qui sera reconduite l’année prochaine, le centre Athéna a tout montré.
Pour commencer la visite, la douzaine de spectateurs ayant répondu à l’invitation a reçu la fiche technique fournie par le régisseur d’Abd Al Malik pour sa venue vendredi prochain.
"On l’a signé pour 15000 euros avant qu’il ne gagne le prix Constantin et une Victoire de la musique, précise Katherine, chargée de communication. Maintenant, il coûterait bien plus cher. Mais ce cachet double quasiment avec la fiche technique." Beaucoup de matériel doit être loué: "On préfère ne pas tout acheter parce que ça évolue tellement vite que c’est rapidement dépassé."
Organisation pratique, plan de scène, équipement son, matériel lumière, liste des chambres d’hôtel à prévoir… Tout est détaillé sur la fiche technique. Sans oublier les doléances de "catering", principalement la liste des boissons demandées (assez sobre": 32 bouteilles d’eau et une seule de whisky) et les plats à mitonner (avec de la viande halal ou casher pour trois des quatorze personnes de l’équipe). Mieux vaut être aux petits soins pour que tout se passe bien.
"S’ils ont une journée de relâche, c’est aussi à nous de la payer", ajoute Katherine. Ce ne sera pas le cas pour Abd Al Malik qui se produit le lendemain à Lamballe.
Shakespeare 1 - Molière 0
"Le milieu du spectacle et la technique, c’est tout un jargon", remarque Katherine. Un enfer pour les anglophobes, tant la langue de Shakespeare est omniprésente au grand dam de celle de Molière. "On utilise un vocabulaire très proche de celui des marins, ajoute le régisseur général Franck Prouin. Par exemple, on ne parle jamais de corde, mais de guinde, parce que la corde, c’est pour le pendu." Attention aussi aux impairs sur le plan des couleurs: "Jusqu’à récemment, le vert était banni parce que Molière était habillé en vert quand il est mort sur scène."
Côté coulisses, c’est la haute technicité qui frappe les esprits. Si les loges sont assez rudimentaires, la forêt de câbles et les consoles son et lumière impressionnent. Le régisseur général Franck Prouin montre un micro-cravate minuscule, allume un projecteur dessinant un logo sur scène, transforme sa voix avec différents échos: "C’est un métier intéressant, il y a plein de joujoux!"
REGISSEUR GENERAL: L'HOMME A TOUT FAIRE
C’est par la petite porte qu’il s’est fait sa place sur la grande scène du spectacle vivant. Franck est le régisseur général du centre Athéna depuis novembre 2005. Un homme de l’ombre qui n’a pas son pareil pour mettre en lumière les artistes de passage.À l’écouter présenter son métier, parlant en watts, en décibels et en degrés Kelvin, on l’imagine titulaire de moult diplômes en électricité, en physique et en audiovisuel. Pas du tout: "Je n’ai pas fait d’études spécifiques. J’ai commencé en faisant de petits montages au théâtre du Châtelet. J’ai appris sur le tas. Puis j’ai travaillé pour des metteurs en scène, surtout Patrice Chéreau." Le hasard des rencontres fait bien les choses. Sa soif d’apprendre et sa compétence feront le reste.
De 1988 à 1992, il travaille pour le théâtre André-Malraux à Rueil-Malmaison, près de Paris. Puis, il met son savoir-faire au service d’une entreprise privée d’équipement scénique pendant dix ans. L’occasion de jouer les globe-trotters et de bourlinguer au Maghreb ou encore dans l’Océan indien…
Originaire de Theix, il souhaite reposer ses valises dans la région: "J’ai voulu revenir pour la qualité de vie. La ville d’Auray recrutait." Deux tests d’embauche plus tard, il est employé, officiellement comme chef de garage municipal, dans les faits comme régisseur général du centre Athéna. Un métier technique qui fait peser sur ses épaules de lourdes responsabilités.
Haute tension
Si le son ou le jeu de lumières ne sont pas à la hauteur, ses oreilles peuvent chauffer: les artistes ne sont pas toujours diplomates. Mais surtout, il doit faire attention sur le plan de la sécurité car il manipule de fortes puissances électriques: dans les hauteurs de la salle par exemple se trouvent 24 prises de 5000 watts et 72 prises de 3000 watts.
La veille et le jour des grands concerts, il est dans le jus, au four et au moulin pour que tout soit prêt quand débarquent l’artiste, ses musiciens et ses techniciens. La fiche technique qu’ils ont fournie doit être respectée au mieux, tout en veillant à ne pas dépenser trop: "Il faut négocier avec eux parce que c’est quand même de l’argent public. Si je respectais la fiche d’Abd Al Malik à la lettre, il faudrait changer toutes les enceintes parce qu’il n’aime pas cette marque!"
ILS NE MANQUENT PAS DE CACHETS
Les ventes de CD sont en chute libre et vous vous inquiétez pour la survie de vos groupes préférés? Rassurez-vous! La chanson peut encore rapporter gros à condition d’enchaîner les tournées. 19.000 euros, c’est le cachet versé à William Sheller pour son récital l’année dernière. Abd Al Malik, pour son concert vendredi prochain, devra se contenter de 15.000 euros. Bien loin des 40.000 euros demandés par Ayo. Trop cher: la déesse de la soul française n’est pas près de se produire au centre Athéna.
UN AUTRE MONDE
Surprotégés par leurs managers, les artistes sont parfois légèrement déconnectés de la réalité. Pour preuve, la venue de Pierre Perret au centre Athéna. Comme il était arrivé à la dernière minute, son épouse a demandé à Katherine Teycheney d’aller leur chercher deux sandwichs et une bouteille de vin rouge. Et de tendre un billet de 500 francs, en s’inquiétant: "Vous pensez que vous aurez assez?"
CAPRICES DE STARS
Certains artistes ne reculent devant rien. Ainsi, Mauranne avait voulu six bouteilles de bordeaux d’un très grand cru, attirant la suspicion du staff du Centre Athéna: "C’est connu, Serge Reggiani a composé sa cave comme ça". La parade? Les bouteilles lui ont été apportées déjà débouchées. Ainsi, toute l'équipe de l’Athéna a pu partager ce bon vin avec Mauranne et ses musiciens après le concert. Autre anecdote: Michel Fugain voulait absolument un canapé dans sa loge et n’en démordait pas, sauf qu’elles sont trop exiguës pour y mettre un sofa.
Quant à Stefan Eicher, qui s’arrêtera à Auray le 15 février prochain, sa fiche technique précise qu’il souhaite dormir dans un endroit atypique. On envisage de le conduire sur l’île de Berder.
Ces exigences vous paraissent abusées? Et encore, ce n'est rien: "Ca s'est calmé! Il y a 25 ans, il fallait apporter le rail de coke et les filles qui vont avec!"
UN CONCERT QUI A ACCOUCHÉ DANS LA DOULEUR
Au rayon des superbes souvenirs, la venue des Ogres de Barback en 2004. Ils n’ont pu venir une première fois parce que leur chanteur avait dû rejoindre sa femme qui venait d’accoucher. Annulant à la dernière minute, les musiciens sont quand même venus expliquer la raison de leur absence au public et ont juré qu’ils reviendraient. Ils ont tenu leur promesse trois mois plus tard, avec énergie et brio.
COMBIEN ÇA COÛTE
Le centre Athéna a été construit en 1990 pour 25 millions de francs. Le staff dispose d’un budget artistique de 300000 euros par an. Il s’autofinance à 75%, c’est-à-dire que les trois quarts de cette enveloppe proviennent du prix des places, le reste étant subventionné par la municipalité. C’est beaucoup plus qu’une structure publique: pour une scène nationale, l’État demande simplement que 10% du budget artistique soit couvert par les recettes.
DANS LES LOGES D'ATHENA
Loges d’artistes, régie son et lumière, arrière-scène… Lors de cette soirée portes ouvertes, une première qui sera reconduite l’année prochaine, le centre Athéna a tout montré.
Pour commencer la visite, la douzaine de spectateurs ayant répondu à l’invitation a reçu la fiche technique fournie par le régisseur d’Abd Al Malik pour sa venue vendredi prochain.
"On l’a signé pour 15000 euros avant qu’il ne gagne le prix Constantin et une Victoire de la musique, précise Katherine, chargée de communication. Maintenant, il coûterait bien plus cher. Mais ce cachet double quasiment avec la fiche technique." Beaucoup de matériel doit être loué: "On préfère ne pas tout acheter parce que ça évolue tellement vite que c’est rapidement dépassé."
Organisation pratique, plan de scène, équipement son, matériel lumière, liste des chambres d’hôtel à prévoir… Tout est détaillé sur la fiche technique. Sans oublier les doléances de "catering", principalement la liste des boissons demandées (assez sobre": 32 bouteilles d’eau et une seule de whisky) et les plats à mitonner (avec de la viande halal ou casher pour trois des quatorze personnes de l’équipe). Mieux vaut être aux petits soins pour que tout se passe bien.
"S’ils ont une journée de relâche, c’est aussi à nous de la payer", ajoute Katherine. Ce ne sera pas le cas pour Abd Al Malik qui se produit le lendemain à Lamballe.
Shakespeare 1 - Molière 0
"Le milieu du spectacle et la technique, c’est tout un jargon", remarque Katherine. Un enfer pour les anglophobes, tant la langue de Shakespeare est omniprésente au grand dam de celle de Molière. "On utilise un vocabulaire très proche de celui des marins, ajoute le régisseur général Franck Prouin. Par exemple, on ne parle jamais de corde, mais de guinde, parce que la corde, c’est pour le pendu." Attention aussi aux impairs sur le plan des couleurs: "Jusqu’à récemment, le vert était banni parce que Molière était habillé en vert quand il est mort sur scène."
Côté coulisses, c’est la haute technicité qui frappe les esprits. Si les loges sont assez rudimentaires, la forêt de câbles et les consoles son et lumière impressionnent. Le régisseur général Franck Prouin montre un micro-cravate minuscule, allume un projecteur dessinant un logo sur scène, transforme sa voix avec différents échos: "C’est un métier intéressant, il y a plein de joujoux!"
REGISSEUR GENERAL: L'HOMME A TOUT FAIRE
C’est par la petite porte qu’il s’est fait sa place sur la grande scène du spectacle vivant. Franck est le régisseur général du centre Athéna depuis novembre 2005. Un homme de l’ombre qui n’a pas son pareil pour mettre en lumière les artistes de passage.À l’écouter présenter son métier, parlant en watts, en décibels et en degrés Kelvin, on l’imagine titulaire de moult diplômes en électricité, en physique et en audiovisuel. Pas du tout: "Je n’ai pas fait d’études spécifiques. J’ai commencé en faisant de petits montages au théâtre du Châtelet. J’ai appris sur le tas. Puis j’ai travaillé pour des metteurs en scène, surtout Patrice Chéreau." Le hasard des rencontres fait bien les choses. Sa soif d’apprendre et sa compétence feront le reste.
De 1988 à 1992, il travaille pour le théâtre André-Malraux à Rueil-Malmaison, près de Paris. Puis, il met son savoir-faire au service d’une entreprise privée d’équipement scénique pendant dix ans. L’occasion de jouer les globe-trotters et de bourlinguer au Maghreb ou encore dans l’Océan indien…
Originaire de Theix, il souhaite reposer ses valises dans la région: "J’ai voulu revenir pour la qualité de vie. La ville d’Auray recrutait." Deux tests d’embauche plus tard, il est employé, officiellement comme chef de garage municipal, dans les faits comme régisseur général du centre Athéna. Un métier technique qui fait peser sur ses épaules de lourdes responsabilités.
Haute tension
Si le son ou le jeu de lumières ne sont pas à la hauteur, ses oreilles peuvent chauffer: les artistes ne sont pas toujours diplomates. Mais surtout, il doit faire attention sur le plan de la sécurité car il manipule de fortes puissances électriques: dans les hauteurs de la salle par exemple se trouvent 24 prises de 5000 watts et 72 prises de 3000 watts.
La veille et le jour des grands concerts, il est dans le jus, au four et au moulin pour que tout soit prêt quand débarquent l’artiste, ses musiciens et ses techniciens. La fiche technique qu’ils ont fournie doit être respectée au mieux, tout en veillant à ne pas dépenser trop: "Il faut négocier avec eux parce que c’est quand même de l’argent public. Si je respectais la fiche d’Abd Al Malik à la lettre, il faudrait changer toutes les enceintes parce qu’il n’aime pas cette marque!"
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