Un aller pas si simple pour Mahoré
Après des documentaires sur les réfugiés Tibétains, la Grenobloise Agnès Fouilleux est partie pour Mahoré, l'une des deux îles composant la collectivité d'Outre-Mer française de Mayotte. La seule île des Comores à avoir refusé l'indépendance lors de deux référendums, en 1974 et 1976. Depuis dix ans, les Comoriens n'y sont plus les bienvenus mais beaucoup tentent de gagner illégalement Mayotte, souvent au péril de leur vie. Rencontre avec la réalisatrice du documentaire-choc "Un aller simple pour Mahoré", en compétition pour l'Île d'or.
Comment vous est venue l'idée de ce documentaire?
Je choisis beaucoup de sujets qui ne sont pas à la mode médiatiquement, mais qui me paraissent importants. L'actualité marche par vagues. Je préfère prendre le temps, m'imprégner des choses et faire un gros travail de documentation. Et puis, mes parents ont vécu à Mayotte. Ma mère et une amie y ont été assistantes sociales, elles ont été confrontées à ces problèmes-là.
Quelle est l'ampleur du phénomène d'immigration clandestine?
Les Comoriens parlent de 4.000 morts en dix ans. L'Insee estime qu'il y a un tiers de clandestins sur les 200.000 habitants de Mayotte.
L'un des interlocuteurs dans le film parle des morts-Balladur. De quoi s'agit-il?
Avant 1995, tous les Comoriens pouvaient librement venir à Mayotte. Mais Pasqua, sous le gouvernement Balladur, a instauré des visas. Et pour compliquer la tâche, le consulat où doivent être retirés les visas se trouve à Moroni, très loin de Mayotte. C'est pour ça que l'immigration clandestine s'est développée et que les habitants, en désespoir de cause, ont recours à des embarcations peu sûres, les kwassa-kwassa, ce qui signifie "ça secoue, ça secoue", pour traverser les 70 kilomètres qui séparent Anjouan de Mayotte.
Face à cette immigration massive, quelle est la politique de l'État français?
La répression. Des crédits monstrueux sont investis pour acquérir de nouveaux radars et pour expulser en avion, alors qu'ils seraient bien plus utiles pour développer les hôpitaux et les écoles des Comores, pour réduire le gouffre économique qui sépare Mayotte des autres îles. Le démantèlement de l'État comorien, c'est une conséquence directe de la politique française. Avant les référendums pour l'indépendance, des milices ont poussé les Mayottais à voter contre.
Vous expliquez aussi que la France a été condamnée à plusieurs reprises par l'Onu...
Il y a eu 21 condamnations de 1975 à 1999. Car en droit international, la frontière des états décolonisés devait reprendre celle d'avant la colonisation. Il n'y avait aucune raison de faire un référendum île par île.
Pourquoi ces questions sont-elles si peu médiatisées?
Je trouve ça hallucinant : ça se passe en France et personne n'en parle. Peut-être ces questions sont-elles trop près politiquement. Ceux qui les ont traitées, qu'ils soient de droite ou de gauche, sont encore en place.
Quels problèmes rencontrez-vous dans la diffusion de votre documentaire?
Les chaînes de télévision que j'ai contactées n'en veulent pas. Elles préfèrent soit du spectaculaire ou de l'émotionnel, soit un documentaire de création, qui mise sur une forme artistique originale. Mais il n'y a pas de place pour aborder une problématique politique. À l'heure actuelle, ce documentaire m'a coûté une année de travail et beaucoup d'argent, mais il ne m'a rien rapporté!
Comment vous est venue l'idée de ce documentaire?
Je choisis beaucoup de sujets qui ne sont pas à la mode médiatiquement, mais qui me paraissent importants. L'actualité marche par vagues. Je préfère prendre le temps, m'imprégner des choses et faire un gros travail de documentation. Et puis, mes parents ont vécu à Mayotte. Ma mère et une amie y ont été assistantes sociales, elles ont été confrontées à ces problèmes-là.
Quelle est l'ampleur du phénomène d'immigration clandestine?
Les Comoriens parlent de 4.000 morts en dix ans. L'Insee estime qu'il y a un tiers de clandestins sur les 200.000 habitants de Mayotte.
L'un des interlocuteurs dans le film parle des morts-Balladur. De quoi s'agit-il?
Avant 1995, tous les Comoriens pouvaient librement venir à Mayotte. Mais Pasqua, sous le gouvernement Balladur, a instauré des visas. Et pour compliquer la tâche, le consulat où doivent être retirés les visas se trouve à Moroni, très loin de Mayotte. C'est pour ça que l'immigration clandestine s'est développée et que les habitants, en désespoir de cause, ont recours à des embarcations peu sûres, les kwassa-kwassa, ce qui signifie "ça secoue, ça secoue", pour traverser les 70 kilomètres qui séparent Anjouan de Mayotte.
Face à cette immigration massive, quelle est la politique de l'État français?
La répression. Des crédits monstrueux sont investis pour acquérir de nouveaux radars et pour expulser en avion, alors qu'ils seraient bien plus utiles pour développer les hôpitaux et les écoles des Comores, pour réduire le gouffre économique qui sépare Mayotte des autres îles. Le démantèlement de l'État comorien, c'est une conséquence directe de la politique française. Avant les référendums pour l'indépendance, des milices ont poussé les Mayottais à voter contre.
Vous expliquez aussi que la France a été condamnée à plusieurs reprises par l'Onu...
Il y a eu 21 condamnations de 1975 à 1999. Car en droit international, la frontière des états décolonisés devait reprendre celle d'avant la colonisation. Il n'y avait aucune raison de faire un référendum île par île.
Pourquoi ces questions sont-elles si peu médiatisées?
Je trouve ça hallucinant : ça se passe en France et personne n'en parle. Peut-être ces questions sont-elles trop près politiquement. Ceux qui les ont traitées, qu'ils soient de droite ou de gauche, sont encore en place.
Quels problèmes rencontrez-vous dans la diffusion de votre documentaire?
Les chaînes de télévision que j'ai contactées n'en veulent pas. Elles préfèrent soit du spectaculaire ou de l'émotionnel, soit un documentaire de création, qui mise sur une forme artistique originale. Mais il n'y a pas de place pour aborder une problématique politique. À l'heure actuelle, ce documentaire m'a coûté une année de travail et beaucoup d'argent, mais il ne m'a rien rapporté!
2 Comments:
At 2:14 AM, Anonymous said…
Bravo madame, c'est un bon travail et une démarche intellectuel rare dans ce temps de la pensée-réalité show, où il n'est pas permis de réflechir mais d'écouter les dieux et stars de la penée dominante. La question des Comores et les Mahorés, source de drames humains, touchant particulièrement des femmes, des enfants et des jeunes hommes ne peut pas interresser une télévision de l'émotion egoïste et de l'empathie frabriquée, qui sont les sources légitimant l'idéologie néo-liberale. La nouvelle forme poste-moderniste de la domination. L'homme est humain par sa valeur marchande et sa croyance au scientisme productif, dès lors, les enfants comoriens qui se noient dans le lagon des îles comores, les femmes violées et les slogans racistes dont les comoriens sont victimes à Mayotte, puis le visa de la mort instauré pour séparé des familles et détruire une histoire commune entre comoriens et mahorés, ne peut intéresser une opinion gagnée par l'idée que les immigrés sont la source de leur malheure et pouver provoquer une diminution de leur potentialité culturelle.
At 9:19 AM, Anonymous said…
Merci beaucoup pour cet ecellent documentaire et pour votre interview.J'ai passé 2 mois en tant que chercheur en géographie avec des étudiants à Mayotte en 2000 et j'ai découvert cette ile avec beaucoup d'émotions. Je me permets de faire référence à votre blog, dans le mien car j'estime que trop peu de Français sont au courant de ce qui se passe dans ces îles qui sont trop souvent considérées comme des paradis !!!
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