Singing in the rain
La nuit a été arrosée. Non, je ne parle ni de Faxe ni de Coreff (la bière bretonne de Morlaix). L'invitée surprise de ces Vieilles Charrues, c'est la pluie. Au moment même où les préfectures sortaient des décrets de restriction d'usage de l'eau, au moment où l'on réagitait le spectre de 1976, au moment où le feu des projecteurs était braqué sur le centre-Bretagne, la pluie a fait son grand retour. Un retour attendu par les agriculteurs, moins par les festivaliers. Une juste récompense pour les agriculteurs du Poher qui, comme tous les ans, distribuent du lait gratuitement aux festivaliers qui émergent de leur nuit courte mais réparatrice.
Le pancho est super fashion ce samedi, quand ce n'est pas un simple sac-poubelle percé. Motivés, les Bretons. La pluie ne douche pas leur ardeur. On est tout simplement un samedi soir à Carhaix. Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines...
C'est Laetitia Shériff qui ouvre le grand bal. Originaire de Lille, elle s'est désormais installée à Rennes. Son batteur, Gaël Desbois, est de Malestroit. C'est d'ailleurs dans cette petite cité de caractère, au festival Au Pont du Rock samedi prochain, que je pourrai les voir et les rencontrer. Car à Carhaix, je me suis réfugié à l'abri du chapiteau du cabaret breton pendant leur concert. Je n'étais pas le seul à avoir eu cette idée. Les trois musiciens de Bivoac pouvaient dire merci au ciel qui leur a fourni un public pléthorique à défaut d'être passionné.
Cet intermède breton me donne la force de braver la pluie pour aller applaudir Ridan. Qui c'est, celui-là ? Mais si, c'est celui qui chante :"Si tu me dis droite je te dirais gauche, si tu me dis gauche je dirais l'extrême. Je voterais pour ceux qui votent la vie, plutôt que pour ceux qui votent la haine." Le message est limpide, comme l'eau qui coule sur nos têtes. Dans la pure tradition Vieilles Charrues, Ridan mélange les styles, de la variété au rap. Plutôt convaincant. On comprend pourquoi il a gagné la Victoire de la musique de l'album révélation.
Egalement bien placé dans la catégorie "p'tit jeune plein d'avenir", Devendra Banhart prend le relais sur la scène Kerouac. Devendra a 24 ans, il est d'origine texane. Mais ce qui aurait pu être un mauvais point pour lui ne l'est pas : il réside désormais à San Francisco. Il a gardé son look de cow-boy et sa musique folk sonne profondément américaine. Avec lui, on passe un real good time, pour reprendre une de ses chansons interprétées à Carhaix.
C'est ensuite la musique ensoleillée des Maliens Amadou et Mariam qui tente en vain de chasser les nuages. Abat la guerre, vive la paix, aimez-vous les uns les autres. Ils sont pleins de bonnes intentions, Amadou et Mariam. Nous, on joue notre rôle de bon public bien chaud en bougeant frénétiquement nos corps au rythme chaloupé de leur musique. On en viendrait presque à regretter qu'ils ne puissent voir cette marée humaine s'agiter devant eux. Ami entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne...
La pluie persiste et signe. Ce n'est pas non plus le jeune (23 ans, le bel âge !) pianiste américain Jamie Cullum qui en viendra à bout. Mais lui s'en accomode, il chante même une belle interprétation de Singing in the rain tout à fait de circonstances. Pour nous, cela tourne au dancing in the mud et au freezing in wet cloth. Ohé partisans ouvriers et paysans c'est l'alarme...
Ce sont ensuite les Stéphanois de Mickey 3D qui investissent la scène Glenmor. Troisième passage aux VC, leur premier sur la grande scène... Ce ne sont plus des mickey depuis longtemps. Ils sont épatés par l'énergie du public malgré la pluie. Il faut dire qu'ils le valent bien. Les chansons de leur dernier album sont géniales, et les reprises des albums précédents sont très travaillées. La version rap de la chanson écolo Respire est super sympa, les paroles sont toujours aussi percutantes. On en oublierait presque le ciel qui pleure sans discontinuer, presque... Ce soir les novices connaitront le prix du temps et des larmes...
Un qui n'a aucune envie de pleurer et qui est bien dans sa peau, c'est bien Louis. Qui ça ? Louis Bertignac. L'ancien guitariste de Téléphone est bien dans ses baskets et ça se sent sur scène. Son dernier album, Longtemps, s'est longtemps fait attendre (neuf ans). Entre temps, Louis explique avoir glandé, ce qui veut dire dans son vocabulaire : faire une énorme tournée, aller passer quelque temps au Népal, rencontrer la femme de sa vie, composer un album pour sa grande amie Carla Bruni et devenir papa d'une petite Lola. Rien que ça ! Le revoilà donc sur la route des festivals et c'est tant mieux. Son set est brillant, alternant du bon rock et de jolies ballades. Le public met son grain de sel sur Ces idées-là. A la fin de la chanson, il reprend la mélodie, poussant Louis à faire un petit solo dont il a le secret. Le public apprécie beaucoup quand il rebranche le Téléphone. C'est d'abord Cendrillon qu'il a au bout du fil. Il termine son rappel dans une ambiance électrique en nous rappelant qu'il rêvait d'un autre monde. Eh oui, il est des pays où les gens aux creux des lits font des rêves. Nous, on rêve juste de soleil. La lune est sans doute si blonde ce soir, mais impossible de la voir derrière les nuages.
Un peu de Cokes pour lancer Iggy... "Vous êtes génial ! Et maintenant la grande star de la soirée..." Ray Cokes, l'animateur de France 4, monte sur scène pour chauffer le public avant le set de Monsieur Iggy Pop. C'est la troisième fois que je vois Iggy à Kerampuil. Il va finir par acheter une maison secondaire à Carhaix. Oui, mais cette fois-ci, il est accompagné de ces Stooges. Toujours aussi fêlé, l'ami Iggy. Il se déhanche à tout rompre. Miracle : la pluie ralentit. De là à prendre Iggy pour le Messie...
Le ministre de la culture Renaud Donnedieu de Vabres est dans les coulisses, mais ce satané Iggy n'a même pas un mot de soutien pour les intermittents. Il n'oublie pas ses fans en revanche, et en fait monter quelques-uns sur scène. Paraît qu'une jeune fille qui est parvenue à enjamber la barrière a ainsi gagné 500 euros : elle avait parié avec un copain qu'elle finirait sur scène. J'en connais un qui va maudire Iggy... Après le miracle, c'est une vision collective qui s'abat sur le public : voulant sans doute imiter Iggy qui fait son set torse nu, une jeune fille enlève le haut. Motivés, qu'on vous disait.
Le brouhaha iggypopien laisse place à l'alternatif The Kills. Je ne kiffe pas trop, une bonne Faxe avec Damien et Alexis, deux amis esjiens, me regonflera à défaut de me sécher. La soirée se termine ensuite dans la bonne humeur avec The Sunday Drivers. Les cinq Espagnols ont la mission de conduire le public carhaisien vers le dimanche. Une tâche qu'ils réalisent parfaitement, tout en douceur. Cette formation porte bien son nom : la musique idéale à écouter dans le monospace familial pour la sortie du dimanche.
Retour à la tente. Les vêtements mettront plusieurs jours à sécher. Je réalise l'inconvénient d'avoir une "two seconds". Je la cherche en vain pendant plus d'une heure. Au passage, je dérange deux tentes jumelles en espérant que ce soit la mienne. Peine perdue. Je n'ai pas de lumière, il pleut, real good time qu'ils disaient, les tentes se chevauchent et se ressemblent toutes, je suis trempé, motivé, motivé, je veux dormir, et si on m'avait volé ma tente ? Solution de secours, je rejoins mes potes Manu la Frite et Maïkeul-keul qui acceptent gentiment de m'héberger dans leur tente. C'est pas un hôtel trois étoiles : on est serré, je n'ai pas de sac de couchage ni de matelas, une miche de pain me sert d'oreiller. C'est beau, Carhaix ! Il fait trop froid, je ne peux pas dormir. Le soleil pointe le bout de son nez (c'est beau, un nez de soleil un dimanche matin à Carhaix), je décide de retourner à la recherche de ma tente. Je finis par la retrouver à l'endroit à l'envers. Pour être plus clair : elle est bien à l'endroit où je l'ai planté, mais elle est retournée. Des connards ont retiré les six piquets qui la fixaient au sol. A l'intérieur c'est tout mouillé. Mais quel plaisir de retrouver ma tente, mon sac de couchage, mes paquets de Pringles ! Demain du sang noir séchera au grand soleil sur les routes. Chantez compagnons dans la nuit la liberté vous écoute.
Le pancho est super fashion ce samedi, quand ce n'est pas un simple sac-poubelle percé. Motivés, les Bretons. La pluie ne douche pas leur ardeur. On est tout simplement un samedi soir à Carhaix. Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines...
C'est Laetitia Shériff qui ouvre le grand bal. Originaire de Lille, elle s'est désormais installée à Rennes. Son batteur, Gaël Desbois, est de Malestroit. C'est d'ailleurs dans cette petite cité de caractère, au festival Au Pont du Rock samedi prochain, que je pourrai les voir et les rencontrer. Car à Carhaix, je me suis réfugié à l'abri du chapiteau du cabaret breton pendant leur concert. Je n'étais pas le seul à avoir eu cette idée. Les trois musiciens de Bivoac pouvaient dire merci au ciel qui leur a fourni un public pléthorique à défaut d'être passionné.
Cet intermède breton me donne la force de braver la pluie pour aller applaudir Ridan. Qui c'est, celui-là ? Mais si, c'est celui qui chante :"Si tu me dis droite je te dirais gauche, si tu me dis gauche je dirais l'extrême. Je voterais pour ceux qui votent la vie, plutôt que pour ceux qui votent la haine." Le message est limpide, comme l'eau qui coule sur nos têtes. Dans la pure tradition Vieilles Charrues, Ridan mélange les styles, de la variété au rap. Plutôt convaincant. On comprend pourquoi il a gagné la Victoire de la musique de l'album révélation.
Egalement bien placé dans la catégorie "p'tit jeune plein d'avenir", Devendra Banhart prend le relais sur la scène Kerouac. Devendra a 24 ans, il est d'origine texane. Mais ce qui aurait pu être un mauvais point pour lui ne l'est pas : il réside désormais à San Francisco. Il a gardé son look de cow-boy et sa musique folk sonne profondément américaine. Avec lui, on passe un real good time, pour reprendre une de ses chansons interprétées à Carhaix.
C'est ensuite la musique ensoleillée des Maliens Amadou et Mariam qui tente en vain de chasser les nuages. Abat la guerre, vive la paix, aimez-vous les uns les autres. Ils sont pleins de bonnes intentions, Amadou et Mariam. Nous, on joue notre rôle de bon public bien chaud en bougeant frénétiquement nos corps au rythme chaloupé de leur musique. On en viendrait presque à regretter qu'ils ne puissent voir cette marée humaine s'agiter devant eux. Ami entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne...
La pluie persiste et signe. Ce n'est pas non plus le jeune (23 ans, le bel âge !) pianiste américain Jamie Cullum qui en viendra à bout. Mais lui s'en accomode, il chante même une belle interprétation de Singing in the rain tout à fait de circonstances. Pour nous, cela tourne au dancing in the mud et au freezing in wet cloth. Ohé partisans ouvriers et paysans c'est l'alarme...
Ce sont ensuite les Stéphanois de Mickey 3D qui investissent la scène Glenmor. Troisième passage aux VC, leur premier sur la grande scène... Ce ne sont plus des mickey depuis longtemps. Ils sont épatés par l'énergie du public malgré la pluie. Il faut dire qu'ils le valent bien. Les chansons de leur dernier album sont géniales, et les reprises des albums précédents sont très travaillées. La version rap de la chanson écolo Respire est super sympa, les paroles sont toujours aussi percutantes. On en oublierait presque le ciel qui pleure sans discontinuer, presque... Ce soir les novices connaitront le prix du temps et des larmes...
Un qui n'a aucune envie de pleurer et qui est bien dans sa peau, c'est bien Louis. Qui ça ? Louis Bertignac. L'ancien guitariste de Téléphone est bien dans ses baskets et ça se sent sur scène. Son dernier album, Longtemps, s'est longtemps fait attendre (neuf ans). Entre temps, Louis explique avoir glandé, ce qui veut dire dans son vocabulaire : faire une énorme tournée, aller passer quelque temps au Népal, rencontrer la femme de sa vie, composer un album pour sa grande amie Carla Bruni et devenir papa d'une petite Lola. Rien que ça ! Le revoilà donc sur la route des festivals et c'est tant mieux. Son set est brillant, alternant du bon rock et de jolies ballades. Le public met son grain de sel sur Ces idées-là. A la fin de la chanson, il reprend la mélodie, poussant Louis à faire un petit solo dont il a le secret. Le public apprécie beaucoup quand il rebranche le Téléphone. C'est d'abord Cendrillon qu'il a au bout du fil. Il termine son rappel dans une ambiance électrique en nous rappelant qu'il rêvait d'un autre monde. Eh oui, il est des pays où les gens aux creux des lits font des rêves. Nous, on rêve juste de soleil. La lune est sans doute si blonde ce soir, mais impossible de la voir derrière les nuages.
Un peu de Cokes pour lancer Iggy... "Vous êtes génial ! Et maintenant la grande star de la soirée..." Ray Cokes, l'animateur de France 4, monte sur scène pour chauffer le public avant le set de Monsieur Iggy Pop. C'est la troisième fois que je vois Iggy à Kerampuil. Il va finir par acheter une maison secondaire à Carhaix. Oui, mais cette fois-ci, il est accompagné de ces Stooges. Toujours aussi fêlé, l'ami Iggy. Il se déhanche à tout rompre. Miracle : la pluie ralentit. De là à prendre Iggy pour le Messie...
Le ministre de la culture Renaud Donnedieu de Vabres est dans les coulisses, mais ce satané Iggy n'a même pas un mot de soutien pour les intermittents. Il n'oublie pas ses fans en revanche, et en fait monter quelques-uns sur scène. Paraît qu'une jeune fille qui est parvenue à enjamber la barrière a ainsi gagné 500 euros : elle avait parié avec un copain qu'elle finirait sur scène. J'en connais un qui va maudire Iggy... Après le miracle, c'est une vision collective qui s'abat sur le public : voulant sans doute imiter Iggy qui fait son set torse nu, une jeune fille enlève le haut. Motivés, qu'on vous disait.
Le brouhaha iggypopien laisse place à l'alternatif The Kills. Je ne kiffe pas trop, une bonne Faxe avec Damien et Alexis, deux amis esjiens, me regonflera à défaut de me sécher. La soirée se termine ensuite dans la bonne humeur avec The Sunday Drivers. Les cinq Espagnols ont la mission de conduire le public carhaisien vers le dimanche. Une tâche qu'ils réalisent parfaitement, tout en douceur. Cette formation porte bien son nom : la musique idéale à écouter dans le monospace familial pour la sortie du dimanche.
Retour à la tente. Les vêtements mettront plusieurs jours à sécher. Je réalise l'inconvénient d'avoir une "two seconds". Je la cherche en vain pendant plus d'une heure. Au passage, je dérange deux tentes jumelles en espérant que ce soit la mienne. Peine perdue. Je n'ai pas de lumière, il pleut, real good time qu'ils disaient, les tentes se chevauchent et se ressemblent toutes, je suis trempé, motivé, motivé, je veux dormir, et si on m'avait volé ma tente ? Solution de secours, je rejoins mes potes Manu la Frite et Maïkeul-keul qui acceptent gentiment de m'héberger dans leur tente. C'est pas un hôtel trois étoiles : on est serré, je n'ai pas de sac de couchage ni de matelas, une miche de pain me sert d'oreiller. C'est beau, Carhaix ! Il fait trop froid, je ne peux pas dormir. Le soleil pointe le bout de son nez (c'est beau, un nez de soleil un dimanche matin à Carhaix), je décide de retourner à la recherche de ma tente. Je finis par la retrouver à l'endroit à l'envers. Pour être plus clair : elle est bien à l'endroit où je l'ai planté, mais elle est retournée. Des connards ont retiré les six piquets qui la fixaient au sol. A l'intérieur c'est tout mouillé. Mais quel plaisir de retrouver ma tente, mon sac de couchage, mes paquets de Pringles ! Demain du sang noir séchera au grand soleil sur les routes. Chantez compagnons dans la nuit la liberté vous écoute.
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