Kispasse

Wednesday, July 13, 2005

Marie, infirmière sans frontières

Treize mois en République Démocratique du Congo (ex-Zaïre), trois mois à Haïti. A 27 ans, Marie a déjà passé un an et demi sur des terrains de guerre. Cette infirmière-puéricultrice de Saint-Nolff s’est lancée en 2004 dans l’aventure humanitaire. Elle travaille pour AMI, Aide médicale internationale, une ONG qui aide les populations sinistrées dans dix pays comme l’Afghanistan, la Birmanie ou le Soudan (Darfour).
Trois millions de victimes oubliées
Marie a d’abord passé treize mois à l’est du Congo, au cœur d’une zone de conflits oubliée. Tout a commencé en 1994, au lendemain du génocide rwandais. Pourchassés, de nombreux Hutus se sont réfugiés à l’est du Congo. Ensuite, plusieurs pays de la région se sont engagés dans une guerre qui a déjà fait trois millions de victimes.
Marie était référente médicale: "Je m’occupais de 21 centres de santé. Au Congo, nous sommes en charge d’un programme d’accès aux soins de santé primaires. Nous faisons de la réhabilitation d’urgence pour rendre les centres de brousse fonctionnels. Nous délivrons du matériel médical de base comme des thermomètres, des pèse-bébés... Nous formons les Congolais pour qu’ils soient capables de continuer sans nous."

L’une des missions essentielles au Congo est d’aider les femmes violées à se reconstruire. "Elles ont toutes le même discours froid. Elles racontent qu’elles étaient aux champs quand des hommes sont arrivés. Le viol est devenu une vraie arme de guerre, qui déstabilise la société. Souvent, les femmes violées sont rejetées par leur mari et n’osent plus retourner aux champs. Nous assurions un dépistage Sida, un traitement des MST, mais aussi une prise en charge psychologique."
Menacée par un gamin saoul et armé
Des hommes sont également victimes de viols: "C’est encore plus difficile de les faire venir. Quand ils acceptent, c’est vraiment qu’ils sont délabrés."
Autres victimes de ce conflit, les enfants. Beaucoup sont enrôlés pour les combats. Ils sont appelés les kadogo, les enfants soldats: "Porter une arme est devenu une source de revenus, car ils peuvent piller. Ce sont les plus dangereux car ils n’ont pas la notion du bien et du mal. Ils sont souvent drogués et alcoolisés. Lors d’un check point, je me suis sentie menacée. Tu ne sais jamais ce qui peut arriver quand un gamin saoul pointeuneKalachnikov sur toi."
"Un monde ultra-violent"
Après le Congo, Marie a passé trois mois à Haïti, un an après la chute de Jean-Bertrand Aristide: "A Port-au-Prince, c’est la catastrophe. Il y a dix kidnappings par jour, qui se transforment souvent en séances de torture." Là aussi, elle a été au contact d’enfants déstructurés: "Nous tentions d’aider les enfants des rues. C’est un monde ultra-violent. Ils ont leur propre justice à l’intérieur des groupes et peuvent aller jusqu’à prononcer une sentence de mort".

Marie est revenue transformée de ces expériences: "Il y a des regards et des sourires que je n’oublierai pas. J’ai aussi été en contact direct avec la souffrance. Cela aide à relativiser. Je trouve qu’on est parfois des enfants gâtés qui se plaignent la bouche pleine." Elle va désormais se poser à Saint-Nolff, au moins cet été, pour retrouver sa famille et ses amis. Avant de peut-être repartir en mission. Car si l’humanitaire n’est pas facile au quotidien, "le positif, tu le trouves dans une histoire particulière, quand une femme ou enfant vient te dire que tu lui as sauvé la vie".

1 Comments:

  • At 3:49 AM, Blogger Brice said…

    Bravo pour ton courage ! Après avoir vu le dossier "Témoins du dedans" sur le monde.fr, je suis tombé par hasard sur ton blog en tapant dans google "Humanitaire donner sa vie congo". J'ai lu ton expérience sur cette région oubliée du monde : heureusement qu'il reste des gens comme toi qui consacrent leur vie au malheur des autres.

     

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