Chroniques de la galère ordinaire
Comme le disait Marco, on ne peut pas plaire à tout le monde. Nous l'allons montrer tout à l'heure.
Un grand journalisme du Télégramme (au moins 1m90) avait décidé d'écrire un article sur les familles pauvres à Vannes, car la CAF venait de sortir un chiffre selon lequel 8200 Vannetais vivraient sous le seuil de pauvreté. Voilà donc le contenu de cet article intitulé "Chroniques de la galère ordinaire".
Comment élever ses quatre enfants avec 892 euros par mois ? Cette question, Corinne se la pose tous les mois. Sans emploi, elle n’a que les allocations familiales pour faire vivre sa famille.
Corinne et sa fille cadette
"J’aime bien ma vie comme elle est. Au moins, mes gamins ne sont pas capricieux. Je n’aurais pas aimé qu’ils soient pourris gâtés !" Corinne n’est pas du genre à se lamenter sur son sort. C’est d’ailleurs elle qui a choisi de quitter son travail de documentaliste à la CFDT en 1998 pour prendre un congé parental d’éducation à la naissance de son troisième enfant. Depuis, elle a eu un quatrième enfant en 2001, mais les aides ont cessé l’année dernière. Elle ne dispose plus que de 892 euros d’allocations familiales par mois. Bien maigre pour élever ses quatre enfants.
La peur de l’interdit bancaire
Chaque début de mois, avant que les allocations soient versées, c’est la même galère. Corinne vient de recevoir une lettre de sa banque l’informant qu’elle avait atteint son plafond de découvert (400 euros). "Pour les soldes cette année, c’est raté !" Plus sérieusement, Corinne craint de se retrouver en interdit bancaire. Un mauvais souvenir pour elle : "Cela m’est déjà arrivé quand j’étais étudiante. Nous mangions des morceaux de sucre à la fin du mois."
Bricoler, étaler ses dépenses, Corinne y est déjà habituée. Elle cherche maintenant de nouveaux moyens pour faire encore plus d’économies : "Je pense résilier ma ligne de téléphone. Mon abonnement me coûte dix fois plus cher que mes communications. La facture est démesurée par rapport à l’usage qu’on en fait." Corinne songe aussi à vendre quelques meubles.
Les clichés de la cité
La famille vit en HLM dans la cité Le Bris depuis six ans. "Je trouve que l’appellation même de cité est péjorative. Cela fait vraiment racaille." Dans la même veine, cette mère de famille est particulièrement fière de sa fille cadette, qui excelle à l’école et a eu droit aux félicitations du proviseur : "Elle prouve que le cliché "gosses de HLM = racailles" n’est pas fondé. Plus tard, elle aimerait faire l’IST, une école d’ingénieurs."
L’aînée, rêve de devenir esthéticienne. Quant au troisième, il veut être prof de judo. Il a déjà gagné beaucoup de médailles aux interclubs du secteur. Problème pour la maman : "La licence coûte 129 euros et la Caf ne m’aide qu’à hauteur de 36 euros. Pour le reste, c’est l’allocation de rentrée scolaire qui y passe." Idem pour les voyages de la cadette, en filière franco-allemande : "Je profite du secours d’études exceptionnel de 206 euros versé par le conseil général en avril-mai." L’Allemagne, un pays qui fait aussi rêver la maman : "Là-bas, les allocations sont beaucoup plus importantes."
Serrer la ceinture
Le budget nourriture est ric-rac : "Je dépense 70 euros tous les quinze jours dans un magasin hard-discount. Cela fait un euro par jour et par personne. Nous ne prenons qu’un seul vrai repas par jour. Le midi, c’est comme au petit-déjeuner." Du coup, quand une dépense imprévue surgit, c’est la panique à la maison. Le frigo a lâché fin mars, mais Corinne n’a pu en racheter un que début juin, car la Caf a traîné pour avancer l’argent.
Comme Corinne n’a pas le permis ("de toute façon, une voiture, ça coûterait trop cher !"), elle doit aller faire ses courses à pied avec ses enfants et son chien. Au retour, ils sont chargés comme des mules et mettent une heure à rejoindre leur HLM. Pas la meilleure solution, d’autant que Corinne souffre de problèmes à la colonne vertébrale et au tendon d’achille.
Heureusement, Corinne peut compter sur quelques soutiens. Si elle trouve le CCAS "bidon", elle apprécie beaucoup l’aide des Restos du cœur : "Ce sont des gens chaleureux." C’est aussi grâce au Secours catholique que son fils a pu partir en vacances à la ferme pendant quatre semaaines. Corinne, elle, a pu prendre des vacances une fois en dix ans. Etre une maman seule est un emploi à plein temps, mais ça ne paye pas dur !
Que croyez-vous qu'il advint ? La Caf a déjà appelé trois fois (une fois sur mon portable, deux fois à la rédaction du Télégramme) pour se plaindre. Ils se sentaient terriblement critiqués, et plutôt que de se remettre en cause, leur réflexe a été d'expliquer au journaliste qui a écrit ces lignes (moi-même) qu'il faisait mal son métier. Selon eux, cet article a le tort d'être subjectif et de ne pas représenter l'avis de la majorité des allocataires. Il me semble que c'est le principe même d'un témoignage que d'être subjectif... Et puis, trois coups de fil d'un quart d'heure, ça commence à faire beaucoup. J'en viens à penser comme Sarkozy (horreur!) qu'il y a vraiment des fonctionnaires qui ne servent à rien, comme la responsable de la communication de la Caf du Morbihan par exemple.
Un grand journalisme du Télégramme (au moins 1m90) avait décidé d'écrire un article sur les familles pauvres à Vannes, car la CAF venait de sortir un chiffre selon lequel 8200 Vannetais vivraient sous le seuil de pauvreté. Voilà donc le contenu de cet article intitulé "Chroniques de la galère ordinaire".
Comment élever ses quatre enfants avec 892 euros par mois ? Cette question, Corinne se la pose tous les mois. Sans emploi, elle n’a que les allocations familiales pour faire vivre sa famille.
Corinne et sa fille cadette
"J’aime bien ma vie comme elle est. Au moins, mes gamins ne sont pas capricieux. Je n’aurais pas aimé qu’ils soient pourris gâtés !" Corinne n’est pas du genre à se lamenter sur son sort. C’est d’ailleurs elle qui a choisi de quitter son travail de documentaliste à la CFDT en 1998 pour prendre un congé parental d’éducation à la naissance de son troisième enfant. Depuis, elle a eu un quatrième enfant en 2001, mais les aides ont cessé l’année dernière. Elle ne dispose plus que de 892 euros d’allocations familiales par mois. Bien maigre pour élever ses quatre enfants.
La peur de l’interdit bancaire
Chaque début de mois, avant que les allocations soient versées, c’est la même galère. Corinne vient de recevoir une lettre de sa banque l’informant qu’elle avait atteint son plafond de découvert (400 euros). "Pour les soldes cette année, c’est raté !" Plus sérieusement, Corinne craint de se retrouver en interdit bancaire. Un mauvais souvenir pour elle : "Cela m’est déjà arrivé quand j’étais étudiante. Nous mangions des morceaux de sucre à la fin du mois."
Bricoler, étaler ses dépenses, Corinne y est déjà habituée. Elle cherche maintenant de nouveaux moyens pour faire encore plus d’économies : "Je pense résilier ma ligne de téléphone. Mon abonnement me coûte dix fois plus cher que mes communications. La facture est démesurée par rapport à l’usage qu’on en fait." Corinne songe aussi à vendre quelques meubles.
Les clichés de la cité
La famille vit en HLM dans la cité Le Bris depuis six ans. "Je trouve que l’appellation même de cité est péjorative. Cela fait vraiment racaille." Dans la même veine, cette mère de famille est particulièrement fière de sa fille cadette, qui excelle à l’école et a eu droit aux félicitations du proviseur : "Elle prouve que le cliché "gosses de HLM = racailles" n’est pas fondé. Plus tard, elle aimerait faire l’IST, une école d’ingénieurs."
L’aînée, rêve de devenir esthéticienne. Quant au troisième, il veut être prof de judo. Il a déjà gagné beaucoup de médailles aux interclubs du secteur. Problème pour la maman : "La licence coûte 129 euros et la Caf ne m’aide qu’à hauteur de 36 euros. Pour le reste, c’est l’allocation de rentrée scolaire qui y passe." Idem pour les voyages de la cadette, en filière franco-allemande : "Je profite du secours d’études exceptionnel de 206 euros versé par le conseil général en avril-mai." L’Allemagne, un pays qui fait aussi rêver la maman : "Là-bas, les allocations sont beaucoup plus importantes."
Serrer la ceinture
Le budget nourriture est ric-rac : "Je dépense 70 euros tous les quinze jours dans un magasin hard-discount. Cela fait un euro par jour et par personne. Nous ne prenons qu’un seul vrai repas par jour. Le midi, c’est comme au petit-déjeuner." Du coup, quand une dépense imprévue surgit, c’est la panique à la maison. Le frigo a lâché fin mars, mais Corinne n’a pu en racheter un que début juin, car la Caf a traîné pour avancer l’argent.
Comme Corinne n’a pas le permis ("de toute façon, une voiture, ça coûterait trop cher !"), elle doit aller faire ses courses à pied avec ses enfants et son chien. Au retour, ils sont chargés comme des mules et mettent une heure à rejoindre leur HLM. Pas la meilleure solution, d’autant que Corinne souffre de problèmes à la colonne vertébrale et au tendon d’achille.
Heureusement, Corinne peut compter sur quelques soutiens. Si elle trouve le CCAS "bidon", elle apprécie beaucoup l’aide des Restos du cœur : "Ce sont des gens chaleureux." C’est aussi grâce au Secours catholique que son fils a pu partir en vacances à la ferme pendant quatre semaaines. Corinne, elle, a pu prendre des vacances une fois en dix ans. Etre une maman seule est un emploi à plein temps, mais ça ne paye pas dur !
Que croyez-vous qu'il advint ? La Caf a déjà appelé trois fois (une fois sur mon portable, deux fois à la rédaction du Télégramme) pour se plaindre. Ils se sentaient terriblement critiqués, et plutôt que de se remettre en cause, leur réflexe a été d'expliquer au journaliste qui a écrit ces lignes (moi-même) qu'il faisait mal son métier. Selon eux, cet article a le tort d'être subjectif et de ne pas représenter l'avis de la majorité des allocataires. Il me semble que c'est le principe même d'un témoignage que d'être subjectif... Et puis, trois coups de fil d'un quart d'heure, ça commence à faire beaucoup. J'en viens à penser comme Sarkozy (horreur!) qu'il y a vraiment des fonctionnaires qui ne servent à rien, comme la responsable de la communication de la Caf du Morbihan par exemple.
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