Pas de pitié pour les croissants
Les politiques serinent que la croissance du PIB est indispensable. Les décroissants refusent ce mode de pensée et adaptent leur vie à leurs convictions écologiques.
Ils refusent le consumérisme et le confort moderne. Ils rejettent la voiture, les hypermarchés et le suremballage. Ils achètent bio, éthique et local. Ils cultivent souvent leur jardin. Sans engrais chimique. Ils organisent des marches pour la décroissance. La première s’est déroulée en juin dernier. 500 personnes sont parties de Lyon pour rejoindre Magny-Cours et protester contre le Grand Prix de Formule 1. Du pétrole consommé “inutilement”, une compétition placée sous le signe de l’argent, des vies mises en danger au nom du spectacle... Pas très décroissant, tout ça.
La première marche pour la décroissance (photo de Cécile Dubart)
Ils lisent La Décroissance, le journal de la joie de vivre : "Aujourd'hui, la consommation n'est plus un moyen, mais une finalité. La croissance sacralisée est devenue une nouvelle religion. Nous voulons remettre les valeurs à leur juste place. Notre journal n'est pas une nouvelle idéologie, mais un contrepied", explique son fondateur Vincent Cheynet. Un "must" pour tous les décroissants, tout comme la revue Silence. Leur credo : «La terre n'est pas un héritage de nos parents, elle est un emprunt que nous faisons à nos enfants.» Selon les "décroissants" ou adeptes de la simplicité volontaire, en voulant toujours plus, bien que les ressources de la Terre soient limitées, on fonce droit dans le mur.
Jean Aubin prône la décroissance. Ancien maraîcher biologique, ce Breton est devenu professeur de maths : “Je forme de futurs ingénieurs, mais je me trouve plus utile en diffusant mes idées." Il a écrit un petit livre vert (Croissance : l’impossible nécessaire) qui offre quelques pistes de réflexion sur l’alimentation, le transport, le nucléaire... “Le mode de vie des occidentaux n’est pas généralisable et n’est pas durable. Il nous faudrait plus de trois planètes Terre si tous les humains vivaient comme les Français.” L’idée : se contenter du minimum vital. Un luxe de riche ? “La décroissance ne peut viser que les plus riches et cela va de pair avec une baisse des inégalités. Pour les pays du Tiers-Monde, il s’agit surtout de ne pas s’engouffrer dans la voie bouchée du développement à l’occidentale. Mais on n’oublie pas que 20% de l’humanité consomment 80% des richesses.” Irréaliste ? “On sait bien qu’on ne va pas imposer la décroissance demain et qu’il y aura une période de transition qui ressemblera au développement durable.” Un grand sujet de débat chez les décroissants. Certains voient dans ces pratiques écologiques une "écotartufferie".
Jean Aubin continue de cultiver son jardin, il va travailler en car, il part en train pour les vacances, il a installé dans sa maison un chauffe-eau solaire et une pompe à chaleur : “Ce n’est pas une astreinte pénible. Je l’ai fait par conviction, mais j’y ai trouvé du plaisir.” Jamais à court d’idées, il compte désormais construire des toilettes sèches, c'est-à-dire un système sans chasse d'eau : tout est récupéré dans un seau et peut être réutilisé comme engrais naturel. La simplicité volontaire est un cheminement sans fin. Chaque acte de la vie quotidienne est concerné.
Les Nordistes Jean-Pierre et Chantal Cornee ont fait un choix de vie semblable. Ce couple d’agriculteurs bio vit essentiellement de ses productions. “On a une petite ferme autonome, avec quelques bovins, deux ânes, des poules et des lapins. Pour le reste, on vend nos produits sur deux marchés. On essaie de vivre avec ce que la nature nous donne.” Ils ont fait ce choix éthique dans les années 80 : “Au départ, on voyait l’agriculture bio comme une régression. En discutant avec des maraîchers qui avaient fait ce choix, on s’est rendu compte qu’ils étaient en fait à la pointe du progrès.”
Les décroissants ne vivent pas tous à la campagne. Cécile Dubart, une jeune Lilloise, se revendique aussi de ce mouvement. Elle travaille à temps partiel et s’en satisfait. Sa voiture a rendu l’âme en 2002, mais elle n’en fait pas une tragédie : “C’est le symbole du gâchis et de l’antivie.” Elle roule désormais à vélo et milite pour l’ADAV (association pour le droit au vélo qui organise la vélorution). Elle va le moins souvent possible au supermarché et évite les achats compulsifs entretenus par la publicité. Elle fait partie du collectif "Sortir du nucléaire", mais “refuse de militer pour brasser du vent”. Son but : être plus autonome et aller vivre à la campagne. On y revient.
Cécile se plaint de la désinformation, notamment sur les nanotechnologies : “On nous en vante les aspects positifs sur le plan médical. Et on oublie de nous dire que c’est l’armée qui investit beaucoup d’argent dans ces recherches-là pour développer de nouvelles armes.” Seule concession de Cécile : “Je vais souvent au cinéma alors que c’est une industrie incroyable.” Les décroissants sont ainsi, naviguant en permanence entre leurs convictions idéologiques et les conséquences pratiques sur leur mode de vie. Ces agitateurs de conscience sont persuadés que leurs idées sont appelées à se développer : “Soit on organise la décroissance, soit ce sont les circonstances qui nous y pousseront.”
La Terre pressée comme une orange ? (un dessin de Jean Aubin)
De Gandhi à Yves Cochet
Ce mouvement n’est pas aussi nouveau qu’il en a l’air. Le modèle à suivre n’est autre que Gandhi. Le Mahatma a posé les préceptes de vie de la simplicité volontaire. La théorie économique a été élaborée par Nicholas Georgescu-Roegen. Le rapport du Club de Rome, Halte à la croissance, en 1972, a repris ces idées. Il annonce un futur catastrophique pour l'humanité si elle continue à ne pas se préoccuper des conséquences de ses activités sur l'environnement. Mais même dans le scénario le plus défavorable, le rapport ne prévoit pas d'épuisement de ressources avant 2010, autrement dit demain.
Dans les années 70 en France, le journal La Gueule ouverte annonçait la fin du monde. Les Casseurs de pub ont récemment remis ces idées au goût du jour. D’individuel, le mouvement devient collectif et il commence à trouver un écho politique, notamment par l’intermédiaire du député vert Yves Cochet, fervent partisan de la décroissance. Des forums ouvrent sur Internet pour partager ses expériences et se refiler des tuyaux.
Ils refusent le consumérisme et le confort moderne. Ils rejettent la voiture, les hypermarchés et le suremballage. Ils achètent bio, éthique et local. Ils cultivent souvent leur jardin. Sans engrais chimique. Ils organisent des marches pour la décroissance. La première s’est déroulée en juin dernier. 500 personnes sont parties de Lyon pour rejoindre Magny-Cours et protester contre le Grand Prix de Formule 1. Du pétrole consommé “inutilement”, une compétition placée sous le signe de l’argent, des vies mises en danger au nom du spectacle... Pas très décroissant, tout ça.
La première marche pour la décroissance (photo de Cécile Dubart)
Ils lisent La Décroissance, le journal de la joie de vivre : "Aujourd'hui, la consommation n'est plus un moyen, mais une finalité. La croissance sacralisée est devenue une nouvelle religion. Nous voulons remettre les valeurs à leur juste place. Notre journal n'est pas une nouvelle idéologie, mais un contrepied", explique son fondateur Vincent Cheynet. Un "must" pour tous les décroissants, tout comme la revue Silence. Leur credo : «La terre n'est pas un héritage de nos parents, elle est un emprunt que nous faisons à nos enfants.» Selon les "décroissants" ou adeptes de la simplicité volontaire, en voulant toujours plus, bien que les ressources de la Terre soient limitées, on fonce droit dans le mur.
Jean Aubin prône la décroissance. Ancien maraîcher biologique, ce Breton est devenu professeur de maths : “Je forme de futurs ingénieurs, mais je me trouve plus utile en diffusant mes idées." Il a écrit un petit livre vert (Croissance : l’impossible nécessaire) qui offre quelques pistes de réflexion sur l’alimentation, le transport, le nucléaire... “Le mode de vie des occidentaux n’est pas généralisable et n’est pas durable. Il nous faudrait plus de trois planètes Terre si tous les humains vivaient comme les Français.” L’idée : se contenter du minimum vital. Un luxe de riche ? “La décroissance ne peut viser que les plus riches et cela va de pair avec une baisse des inégalités. Pour les pays du Tiers-Monde, il s’agit surtout de ne pas s’engouffrer dans la voie bouchée du développement à l’occidentale. Mais on n’oublie pas que 20% de l’humanité consomment 80% des richesses.” Irréaliste ? “On sait bien qu’on ne va pas imposer la décroissance demain et qu’il y aura une période de transition qui ressemblera au développement durable.” Un grand sujet de débat chez les décroissants. Certains voient dans ces pratiques écologiques une "écotartufferie".
Jean Aubin continue de cultiver son jardin, il va travailler en car, il part en train pour les vacances, il a installé dans sa maison un chauffe-eau solaire et une pompe à chaleur : “Ce n’est pas une astreinte pénible. Je l’ai fait par conviction, mais j’y ai trouvé du plaisir.” Jamais à court d’idées, il compte désormais construire des toilettes sèches, c'est-à-dire un système sans chasse d'eau : tout est récupéré dans un seau et peut être réutilisé comme engrais naturel. La simplicité volontaire est un cheminement sans fin. Chaque acte de la vie quotidienne est concerné.
Les Nordistes Jean-Pierre et Chantal Cornee ont fait un choix de vie semblable. Ce couple d’agriculteurs bio vit essentiellement de ses productions. “On a une petite ferme autonome, avec quelques bovins, deux ânes, des poules et des lapins. Pour le reste, on vend nos produits sur deux marchés. On essaie de vivre avec ce que la nature nous donne.” Ils ont fait ce choix éthique dans les années 80 : “Au départ, on voyait l’agriculture bio comme une régression. En discutant avec des maraîchers qui avaient fait ce choix, on s’est rendu compte qu’ils étaient en fait à la pointe du progrès.”
Les décroissants ne vivent pas tous à la campagne. Cécile Dubart, une jeune Lilloise, se revendique aussi de ce mouvement. Elle travaille à temps partiel et s’en satisfait. Sa voiture a rendu l’âme en 2002, mais elle n’en fait pas une tragédie : “C’est le symbole du gâchis et de l’antivie.” Elle roule désormais à vélo et milite pour l’ADAV (association pour le droit au vélo qui organise la vélorution). Elle va le moins souvent possible au supermarché et évite les achats compulsifs entretenus par la publicité. Elle fait partie du collectif "Sortir du nucléaire", mais “refuse de militer pour brasser du vent”. Son but : être plus autonome et aller vivre à la campagne. On y revient.
Cécile se plaint de la désinformation, notamment sur les nanotechnologies : “On nous en vante les aspects positifs sur le plan médical. Et on oublie de nous dire que c’est l’armée qui investit beaucoup d’argent dans ces recherches-là pour développer de nouvelles armes.” Seule concession de Cécile : “Je vais souvent au cinéma alors que c’est une industrie incroyable.” Les décroissants sont ainsi, naviguant en permanence entre leurs convictions idéologiques et les conséquences pratiques sur leur mode de vie. Ces agitateurs de conscience sont persuadés que leurs idées sont appelées à se développer : “Soit on organise la décroissance, soit ce sont les circonstances qui nous y pousseront.”
La Terre pressée comme une orange ? (un dessin de Jean Aubin)
De Gandhi à Yves Cochet
Ce mouvement n’est pas aussi nouveau qu’il en a l’air. Le modèle à suivre n’est autre que Gandhi. Le Mahatma a posé les préceptes de vie de la simplicité volontaire. La théorie économique a été élaborée par Nicholas Georgescu-Roegen. Le rapport du Club de Rome, Halte à la croissance, en 1972, a repris ces idées. Il annonce un futur catastrophique pour l'humanité si elle continue à ne pas se préoccuper des conséquences de ses activités sur l'environnement. Mais même dans le scénario le plus défavorable, le rapport ne prévoit pas d'épuisement de ressources avant 2010, autrement dit demain.
Dans les années 70 en France, le journal La Gueule ouverte annonçait la fin du monde. Les Casseurs de pub ont récemment remis ces idées au goût du jour. D’individuel, le mouvement devient collectif et il commence à trouver un écho politique, notamment par l’intermédiaire du député vert Yves Cochet, fervent partisan de la décroissance. Des forums ouvrent sur Internet pour partager ses expériences et se refiler des tuyaux.
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