Adopteur de consciences
"Un soir, il faisait -6°. Avec mon épouse, on s’est dit : tant pis si on est dans l’illégalité, mais on prend le plus jeune chez nous." Aussitôt dit, aussitôt fait. Joël et Geneviève Loeuilleux accueillent un Afghan de 15 ans dans leur maison de Coulogne, près de Calais. L’adolescent raconte son histoire pendant le dîner. Son père a été tué par les Talibans. Sa mère a explosé sur un marché. Il a été torturé à 11 ans. Il a confié son petit frère à une famille et s’est mis en route. Destination, l’Angleterre promise.
Un voyage de trois mois en bus, à pied, ou caché dans les toilettes des trains. Il échoue à Calais. Les 34 derniers kilomètres, ceux de la traversée de la Manche, sont les plus difficiles. Il dort dans la rue, puisque le centre de Sangatte a été fermé par Nicolas Sarkozy. Jusqu’à ce que Joël accepte de l’héberger. Il demande à ses hôtes de devenir ses parents. Ils acceptent sans hésiter.
L’adoption, une suite logique à des années d’engagement. Petit, Joël avait été marqué par un vieil Algérien : "Il vivait dans la cave d’un policier et l’aidait à aménager son jardin. Un jour, il m’a dit que le jardin était fini et que le policier allait le mettre en prison." Une autre fois : il voit, en sortant du cinéma, une bande tenter de jeter un Arabe dans le canal.
Adulte, Joël devient éducateur. Il met du temps à s’intéresser à la Ligue des droits de l’homme : "Je me sentais trop prolétaire pour aller dans cette vieille institution de notables." Un jour, un ami directeur de collège lui parle de deux élèves, franco-turcs, renvoyés à Istanbul avec leur père. Joël adhère à la Ligue et devient le président de la section de Calais en 1991. Il aide les réfugiés du Tamoul, les Kosovars, les Kurdes ou les Afghans. Des rencontres très fortes : "J’ai vu une jeune fille qui avait été violée plusieurs fois par des policiers. Elle avait dû abandonner son bébé en Inde et rêvait de gagner l’Angleterre."
Joël interpelle le sous-préfet, passe ses nuits dans les jardins publics à réconforter les réfugiés, se rend à Genève pour exposer la situation calaisienne au Haut commissariat des réfugiés de l’Onu. "On n’a rien obtenu. La France fait partie du Conseil de sécurité et elle ne reconnaîtra jamais qu’il y a un camp de réfugiés sur son territoire." Joël demande juste le respect de l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : "Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien."
Joël, Geneviève et le jeune Afghan se sont adoptés mutuellement : "Il ne parlait pas un mot de Français en arrivant. Un an plus tard, il réussissait son brevet." Il a demandé sa naturalisation : "Il veut changer d’état civil pour mieux s’intégrer, car il pense que son nom de famille sera un handicap."
Joël entame les démarches pour adopter son jeune frère : "On a eu le visa au bout de trois ans." En mars, les deux frères ont enfin été réunis. A 60 ans, l’âge où l’on pouponne ses petits-enfants, Joël et Geneviève retrouvent les joies d’avoir deux ados à la maison.
Un voyage de trois mois en bus, à pied, ou caché dans les toilettes des trains. Il échoue à Calais. Les 34 derniers kilomètres, ceux de la traversée de la Manche, sont les plus difficiles. Il dort dans la rue, puisque le centre de Sangatte a été fermé par Nicolas Sarkozy. Jusqu’à ce que Joël accepte de l’héberger. Il demande à ses hôtes de devenir ses parents. Ils acceptent sans hésiter.
L’adoption, une suite logique à des années d’engagement. Petit, Joël avait été marqué par un vieil Algérien : "Il vivait dans la cave d’un policier et l’aidait à aménager son jardin. Un jour, il m’a dit que le jardin était fini et que le policier allait le mettre en prison." Une autre fois : il voit, en sortant du cinéma, une bande tenter de jeter un Arabe dans le canal.
Adulte, Joël devient éducateur. Il met du temps à s’intéresser à la Ligue des droits de l’homme : "Je me sentais trop prolétaire pour aller dans cette vieille institution de notables." Un jour, un ami directeur de collège lui parle de deux élèves, franco-turcs, renvoyés à Istanbul avec leur père. Joël adhère à la Ligue et devient le président de la section de Calais en 1991. Il aide les réfugiés du Tamoul, les Kosovars, les Kurdes ou les Afghans. Des rencontres très fortes : "J’ai vu une jeune fille qui avait été violée plusieurs fois par des policiers. Elle avait dû abandonner son bébé en Inde et rêvait de gagner l’Angleterre."
Joël interpelle le sous-préfet, passe ses nuits dans les jardins publics à réconforter les réfugiés, se rend à Genève pour exposer la situation calaisienne au Haut commissariat des réfugiés de l’Onu. "On n’a rien obtenu. La France fait partie du Conseil de sécurité et elle ne reconnaîtra jamais qu’il y a un camp de réfugiés sur son territoire." Joël demande juste le respect de l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : "Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien."
Joël, Geneviève et le jeune Afghan se sont adoptés mutuellement : "Il ne parlait pas un mot de Français en arrivant. Un an plus tard, il réussissait son brevet." Il a demandé sa naturalisation : "Il veut changer d’état civil pour mieux s’intégrer, car il pense que son nom de famille sera un handicap."
Joël entame les démarches pour adopter son jeune frère : "On a eu le visa au bout de trois ans." En mars, les deux frères ont enfin été réunis. A 60 ans, l’âge où l’on pouponne ses petits-enfants, Joël et Geneviève retrouvent les joies d’avoir deux ados à la maison.
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