Marrons trop cuits
Dans le fabuleux jargon journalistique (ce n'est pas parce qu'on n'a pas un métier technique qu'il ne faut pas avoir de vocabulaire spécifique qui nous sépare du commun des mortels), on appelle ça un marronnier. C'est un sujet qui revient chaque année, aussi immanquablement que les feuilles tombent des arbres en automne.
Il y a d'abord les fêtes. Par exemple, la Toussaint est l'occasion de parler des morts, des vivants, des presque-morts, des morts qui parlent aux vivants, des vivants qui ont frôlé la mort (les passionnants récits de NDE - Near Death Experiment) ou encore des morts-vivants (mais ce n'est pas toujours facile d'en rencontrer qui acceptent de témoigner). Noël, c'est le bon moment pour regretter qu'il y ait encore des guerres. En même temps, de quoi parleraient les éditorialistes le 25 décembre s'il n'y en avait plus ? A la Saint-Valentin, un peu d'amour dans ce monde de brutes... et un peu de sexe aussi, c'est vendeur !
Il y a les marroniers liés au temps. Le mercure descend : vite, c'est le moment de se souvenir qu'il y a des SDF en France. Le thermomètre grimpe : mais quelle est donc la mode du bikini cette année ? Comment les pompiers vont-ils jouer leur rôle de vaillants combattants du feu ? Une petite photo de pompière en bikini en première page, et c'est un record de ventes assuré.
Il y a aussi les marroniers que les magazines se créent. Ce sont des sujets vendeurs, donc ils reviennent régulièrement en couverture. Immobilier, sectes, franc-maçons... Ce qui compte, ce n'est pas d'avoir quelque chose à dire, c'est d'en parler.
En quatre étés dans la presse locale, je commence à avoir une certaine expérience dans les marroniers estivaux. Jobs d'été, bilan touristique, préparation de la rentrée des classes, ça me connaît. Je suis devenu un docteur ès "rush de la rentrée". Les agendas Titeuf, les cartables Harry Potter, les stylos à plumes incassables qui pètent quand on les met sous le bras, je maîtrise. Cette année encore, je m'y suis collé avec un certain plaisir.
Tout de même, ce ne doit pas être facile de se renouveler chaque année, vous dites-vous. Dans le jargon, on appelle ça : trouver un angle différent. Effectivement, trouver 40 façons différentes d'aborder les courses de la rentrée (voire plus avec les réformes des retraites de Raffarin), c'est mission impossible. Mais ce n'est pas trop grave car le lecteur a un an pour oublier ce qu'on lui a dit. Et le journaliste un an pour oublier ce qu'il a écrit.
1 Comments:
At 5:57 PM, Anonymous said…
Putain Laurent, tout ça vient de ta petite tête à toi toute seule ? C'est bien torché comme texte dis donc (si si, je te jure)!
Pourquoi t'écrivais pas comme ça dans le Télégramme ...?
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